LETTRE OUVERTE AUX RESPONSABLES DE L’EVALUATION SCIENTIFIQUE

LES SCIENTIFIQUES DOIVENT-ILS
CONTINUER À ECRIRE EN FRANÇAIS ?


 

COMMUNIQUE DE PRESSE
Paris, le 22 mai 2008


Le 27 mai à 11h, Jean-Charles Pomerol, Président de l’Université Pierre et Marie Curie et par ailleurs, vice-président du Conseil Scientifique des éditions Hermès Science, accompagné du rédacteur en chef de la revue « Technologies et Sciences de l’Information » a remis au Directeur de l’AERES, Monsieur Jean-François Dhainaut les neuf mille signatures de la pétition : « Les Scientifiques doivent-ils continuer à écrire en Français ».


AERES, 20, rue Vivienne dans le 2e arrondissement de Paris, le mercrediI 28 mai 2008 à 11h.
Remise de la pétition par Monsieur Pomerol au Directeur de l’AERES, Monsieur Dhainaut.

Cette pétition ci-jointe avait été lancée suite à l’émotion provoquée par la prétention plus ou moins explicite de certains évaluateurs de ne plus considérer l’expression française dans les sciences de la nature et humaines. Or si la langue des échanges scientifiques internationaux est sans conteste l’anglais, il existe de bonnes revues en langue nationale et, encore plus important, des livres didactiques ou non qui font autorité et représentent une somme considérable de connaissances et de travail. Un pays et une agence qui n’évalueraient pas les œuvres de l’esprit pour ce qu’elles signifient mais seulement sur leur langue d’écriture failliraient à leur mission.

Suite à cette pétition une première réponse a été apportée par l’AERES (document ci-dessous). Le Président Dhainaut a assuré qu’une réflexion était en cours pour l’évaluation des livres.

Ce n'est pas la langue qui définit la qualité des publications, mais leur portée nationale et/ou internationale. C'est un des critères retenus par les experts de l'Aeres pour [l'évaluation de] chaque domaine disciplinaire." C'est ce que fait savoir l'Aeres, aujourd'hui, mercredi 2 avril 2008. Elle répond à la lettre ouverte envoyée par plusieurs milliers de scientifiques à l'agence, lui demandant de "reconnaître à leur juste valeur les publications en français" (L'AEF n°92096).

"Au moment d'évaluer la production scientifique des unités de recherche", l'Aeres "procède en conformité avec ses principes fondateurs: les évaluations qu'elle conduit sont des évaluations par les pairs fondées, parmi d'autres indicateurs, sur la qualité des publications, quelle que soit la langue dans laquelle elles paraissent". "L'anglais est donc pris en ligne de compte. C'est tout aussi vrai, lorsque, comme c'est le cas de la recherche en sciences humaines et sociales, la plupart des publications des unités sont rédigées en français", poursuit l'agence.

"Ce qui est écrit et publié en français n'est pas insignifiant", affirme-t-elle, estimant qu'il s'agit donc, pour elle, "non seulement de le prendre en compte, mais aussi d'améliorer, par ses évaluations, le rayonnement international des meilleurs supports de publication dans cette langue".

Pour autant, "l'agence ne méconnaît pas la difficulté de l'exercice" et "a entrepris, avec d'autres institutions représentatives, un travail de clarification et d'explicitation de critères en question". Elle invite "les communautés scientifiques" à "contribuer à ce travail en évolution".

 


 

Texte original de la lettre ouverte mise en ligne le vendredi 15 février 2008

 

Il est largement admis que la lingua franca de la recherche scientifique est aujourd'hui l’anglais.  Pourtant, il existe au moins trois bonnes raisons de penser qu'il est indispensable que les scientifiques continuent d’écrire en français.

- Puisque la recherche repose essentiellement sur des financements publics, une considération  élémentaire voudrait que les contribuables aient un accès en français à ce qu’ils ont  soutenu par le biais de leurs impôts.

- La deuxième raison concerne l’enseignement. La production de livres de synthèse et de manuels en français est une tâche extrêmement honorable et même nécessaire pour compléter un enseignement dispensé en français. Comment faire aimer une discipline en n'offrant que des livres en anglais qui ne sont en général pas adaptés, ni au niveau, ni aux habitudes que nous avons de structurer nos enseignements ?

- La troisième raison relève de l'apprentissage. Il faut un grand entraînement pour pouvoir s’exprimer dans une autre langue que sa langue maternelle avec le même sens de la nuance, avec la même richesse. Quel meilleur moyen d’accéder à la pensée d’un auteur que de discuter avec lui dans sa propre langue?

La publication en français  apparaît donc comme une nécessité. Pour que cette production continue, il est urgent de valoriser notre activité de recherche dans notre langue. En effet, les systèmes de référencement des publications (dont le principal est une filiale d’un éditeur privé) reconnaissent prioritairement les publications en anglais ! Soit notre système national valorise cette production, soit cette dernière disparaîtra.

Reconnaître à leur juste valeur les publications en français, suppose que les sections du comité national du CNRS, du CNU et de l’AERES prennent en compte, en fonction de leurs exigences de qualité, les revues en français mais aussi les livres et les manuels.  Il n’est pas normal qu’à l’heure actuelle, un bon livre écrit en français ne soit pas considéré dans l’évaluation d’un chercheur.

L’objectif de cette pétition adressée à L’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) est de montrer que notre communauté scientifique française ou francophone a encore la capacité de penser par elle-même et qu’il ne faut pas rejeter, comme insignifiant, tout ce qui s’écrit en français.

Nous vous remercions pour votre soutien.

Liste des signataires en PDF